ISABELLE BONZOM
UN SOLDAT DANS LA VILLE
Une figure de sacrifice dans le paysage urbain
2014-2018 marque le centenaire du début de la Première Guerre Mondiale, mais Isabelle Bonzom est depuis longtemps émue par le « Poilu », image emblématique de l’homme ordinaire conduit à la guerre, dont la statue orne les places de nombreuses villes de France pour commémorer les soldats tombés pendant cette guerre et durant d'autres conflits.
Depuis 2012, l’artiste peint le Poilu dans une série qui rend hommage à tous les êtres humains touchés par les guerres et qui porte une réflexion sur la place qu’un conflit tel que la Première Guerre Mondiale occupe, tant dans le paysage urbain que dans la conscience des hommes d’aujourd’hui.
Isabelle Bonzom perçoit la statue qu'elle peint comme un personnage vivant, à la présence dramatique dans le paysage environnant. Elle renoue aussi avec un thème qu'elle a particulièrement traité de 1991 à 2002, celui de la chair et, tout particulièrement, du corps masculin.
Bernadette Boustany, conservatrice et directrice du Musée de Saint-Maur - Villa Médicis,
présente cette série de tableaux d'Isabelle Bonzom durant l'exposition
« 1914-2018 Témoins d’hier, mémoire d’aujourd’hui »
Du 15 septembre au 18 novembre 2018
Du mardi au dimanche, 14h-18h
Musée de Saint-Maur
Villa Médicis
5, rue Saint-Hilaire
94210 La Varenne - Saint-Hilaire
« J’ai choisi de peindre une série de tableaux consacrée à la statue du Poilu de la ville où je vis et travaille car je la trouve tonique et poignante. Son environnement urbain actuel engendre un décalage qui m’interpelle. En effet, ce soldat isolé, mais en pleine action, cohabite étrangement avec des emblèmes de la société de consommation. Il peut passer inaperçu et faire partie du décor, mais sa force dramatique se révèle par la puissance des éléments naturels ou par l’éclairage nocturne.
Les fleurs de magnolias que je peins autour de lui sont sanguines et sanguinolentes, elles suggèrent le carnage, l’horreur qu’a vécue le poilu, alors qu’il partait « la fleur au fusil ». J’évoque le danger, son destin qui l'attend, sa vie précarisée, le risque d’être transformé en « chair à canon ». Je ne glorifie pas la guerre. Avec empathie pour ces pauvres soldats dont la vie a été fauchée, je m’interroge aussi sur ces images de sacrifice qui peuplent nos villes. »
Isabelle Bonzom
« Cette peinture évoque une réalité tout à fait tragique pour moi, et étrangement ce n'est pas de la guerre dont je parle ici. Ce n'est pas de sang dont la veste de ce soldat est tachée... mais de la lumière des néons du Monoprix. »
Arnaud Faure Beaulieu, galeriste et commissaire d'exposition
« Deux ans avant le début du centenaire de la Grande Guerre, Isabelle Bonzom réalise la série " Poilu 1914 - 2014 ". Son intérêt pour le monument aux morts de la ville de Charenton-le-Pont se prolonge jusqu’à cette année 2018 et les cinq œuvres qui composent cette série sont exposées ici.
Les lumières urbaines vives et violentes dans ces vues nocturnes deviennent faire-valoir du soldat. La palette lumineuse d’Isabelle Bonzom donne vie à cette figure intégrée dans le paysage du cœur de la cité. La luxuriance des magnolias semble prête à engloutir ce personnage de pierre, témoin du sacrifice d’une génération qui, à ce jour, s’inscrit à l’arrière-plan de notre vie quotidienne. Alors que la végétation envahit la toile et pourrait en alourdir la composition, la fluidité et la transparence de la touche étonnent. L’air circule, un rythme de vie s’impose.
L’artiste change la perspective dans chacun des cinq tableaux. Elle invite dans ses compositions la nature, des ciels chargés de fumées, des passants anonymes, les enseignes des commerces. Chaque motif se charge alors d’un pouvoir évocateur fort et souligne la vigueur de ce soldat saisit à jamais dans un élan résolu. »
Bernadette Boustany, conservatrice et directrice du musée de Saint-Maur - Villa Médicis
« L'exposition présente une série que j'affectionne beaucoup sur le thème du Poilu de la guerre 14 et plus largement une réflexion sur l'évolution du travail de mémoire. En jouant sur les ombres, les noirs et les angles de vue, Isabelle Bonzom nous oblige à nous questionner sur notre humanité et notre perception. »
Thierry Tessier, historien d'art
"Isabelle Bonzom peint avec émotion les contradictions. Entre le grand et le petit, entre l'extraordinaire et l'ordinaire, entre la grande histoire et le petit homme. Entre la grande statue et le petit être tombé au combat. Entre le passé et le présent, elle tend un fil et s'interroge et nous interroge sur la présence de cet ornement urbain que nous avons assimilé à nos images quotidiennes. Elle recrée la vie dans cette carapace de représentation, dans ce souvenir forgé, figé, de matière, qui prend les places au cœur de nos villes. Observons attentivement car il se pourrait bien que soudain nous percevions les souffles, les battements de cœur, les respirations et que nous croisions les regards de ces êtres vivants, "
Valérie Fruaut, dramaturge et adjointe à la Culture de Charenton
Dans son livre Collector sur les collectionneurs d'art contemporain, publié à Séoul, la journaliste et commissaire d’exposition Eunju Park consacre un long chapitre à la peinture d'Isabelle Bonzom. Eunju Park estime que la démarche de cette artiste souligne le pouvoir constructif et bienfaiteur de l’art sur l’être humain. Eunju Park a également demandé à une quinzaine de collectionneurs d’Isabelle Bonzom pourquoi ils ont choisi ses oeuvres et ce qu’elles leur apportent. Dans ce contexte, le maire de Charenton donne son point de vue sur "Poilu, I - Coup de Grâce" rentré dans les collections de la Ville de Charenton :
« La scène que décrit ce tableau attire immédiatement le regard par l’originalité, la puissance et l’atmosphère très particulière qu’elle exprime. Deux mondes cohabitent, pourtant si différents, voire même indifférents l’un par rapport à l’autre. Un trait de lumière éclabousse le soldat conquérant, symbolisant le passé glorieux, le sacrifice étant admirablement mis en majesté par l’artiste. La puissance de l’évocation de ce guerrier est renforcée par la scénographie nocturne. Il y a, en même temps, un décalage entre le caractère désuet de cette représentation patriotique et la vie de tous les jours, la ville, ses commerces, son activité pacifique. Au-delà de la superposition de deux thèmes qui pourraient s’apposer, cela ne signifie-t-il pas que le sacrifice de cet ancêtre glorieux permet aujourd’hui à ses enfants de vivre et à la ville qui l’entoure de s’être développée dans la prospérité et la paix ? »
Jean-Marie Brétillon, Maire de Charenton-le-Pont, Conseiller Général du Val de Marne